Sihame Assebague,
porte-parole du collectif Stop le Contrôle au Faciès, Fabien Jobard directeur
du Centre de recherche Sociologique sur le droit et les institutions pénales,
et Hélène Vincent, adjointe à la jeunesse de la mairie de Grenoble ont débattu
aujourd’hui sur les rapports entre les jeunes et la police.
"Aujourd’hui, la question des rapports entre la jeunesse
et la police est une question taboue, traitée de façon autoritaire et
sécuritaire, et non démocratique" déclare Alice Géraud, journaliste à Libération et modératrice du débat. Les adultes, démissionnaires, seraient absents de l’espace public, les jeunes n’auraient donc plus de cadres, ni de contraintes. Peu
à peu, la police se substituerait à ce cadre, et deviendrait le seul
interlocuteur des jeunes, incarnant ainsi l’autorité contre laquelle se cristalliserait la colère de cette jeunesse qui ne se sent pas écoutée.
Dans les années 1990, une police de proximité inspirée de
l’expérience américaine est mise en place comme alternative à la police
judiciaire et punitive. Cette politique de dialogue est arrêtée dès les années 2000
par Nicolas Sarkozy, sous la pression des syndicats de police. Mais pour le collectif
Stop le Contrôle au Faciès, ces relations étaient déjà les mêmes il y a 30 ans,
on se souvient de la Marche des Beurs en 1983. La disparition de la police de
proximité au profit d’une police « conflictuelle » n’a donc pas
changé ces relations déjà tendues. Par ailleurs, depuis 1994 la révision du
code pénal permet de poursuivre pénalement les mineurs. Le nombre d’interventions
de la police et d’interpellations est donc gonflé, tout comme la quantité de
délits. En conséquence, les conflits violents entre les jeunes et la police sont
également multipliés.
Contrôle d’identité
et palpation
Symptôme de ces relations conflictuelles, le contrôle d’identité
occupe une place centrale dans ce débat. Ces contrôles réguliers qui, d’après l’étude
de Fabien Jobard, visent particulièrement les hommes, jeunes, de couleur,
habillé d’une certaine façon et portant un sac à dos, sont vécus comme des
humiliations. Tout comme les palpations en pleine rue. Pour lutter contre ces
discriminations, le collectif de Sihame Assebague souhaite mettre en place un récépissé
de contrôle qui en cas de violation des droits permettrait de saisir le
Défenseur des Droits.
« Remettre justice
et égalité là où il n’y en plus ».
Aujourd’hui, 5% seulement de ces contrôles mènent à interpellations,
le reste des contrôles ne sert à rien. Elus, sociologues et associatifs, tous s’accordent, il est nécessaire de rétablir le dialogue et le respect entre les jeunes, qui ont leur part de responsabilité, et la
police. Pourtant, le récépissé a été abandonné par Manuel Valls, pour des
raisons politiques, et sous la pression des tout puissants syndicats de police.
Par ailleurs, en cas de bavure de la police, qu'il s'agisse de contrôles répétés ou de violences faites aux jeunes lors de manifestations et d’interpellations,
les responsables ne sont que très rarement condamnés. Pour le sociologue fabien
Jobard, la Justice qui est publique ne peut s’exprimer à l’encontre de la
police. Mais c’est là un autre débat.
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