samedi 2 février 2013

Les nouveaux visages du Vieux-Continent

La jeunesse européenne était à l’honneur lors du Forum Libé à Grenoble. Diffusée pendant tout l’été dernier et actuellement tous les samedis sur France Inter, l’émission "I Like Europe" présente le parcours, parfois tumultueux, de jeunes européens. Les productrices de l’émission, Caroline Gillet et Aurélie Charon, ainsi que deux protagonistes de la série, étaient présentes pour faire partager leur vision de l’Europe.



De gauche à droite : Amra, Aurélie Charon, Caroline Gillet, Gal
(Crédit photo : Colin Côte)

L’idée de réaliser cette émission a germé dans l’esprit des deux productrices suite à un projet autour de la jeunesse algérienne. Elles se sont aperçues de l'étanchéité des frontières entre les rives de la Méditerranée et ont voulu prolonger l’expérience autour de la jeunesse européenne. Elles sont donc parties à la recherche de ces visages, de ces expériences qui façonnent l’Europe, dépassant parfois les frontières rigides de l’Union Européenne. 

"Shalom à tout le monde", c’est par ces mots que Gal Hurvitz débute son intervention. Cette israélienne a récemment reçu son passeport polonais, et vit actuellement à Paris. Elle s'est embarquée dans le projet radiophonique "I like Europe" avec l’invitation de Caroline Gillet et Aurélie Charon pour un séjour à Berlin. Une invitation qu’elle décline au premier abord. Les mémoires de la Seconde Guerre mondiale sont vivaces et les horreurs de l’Holocauste encore trop présents dans l’esprit de sa famille. Elle décide finalement de se joindre au voyage dans ce pays qu’elle ne connait pas et de découvrir Berlin, capitale de l’ancien Reich allemand. Une décision que n’a pas toujours comprise sa famille. En particulier sa grand-mère "aux trois amants", israélienne d’origine russe, qui, apprenant son départ pour Berlin, lui a simplement demandé "As-tu oublié quelque chose là-bas ?" La réconciliation avec l’Allemagne n’est donc pas encore d’actualité pour certaines générations israéliennes. Pourtant, au cours de ce séjour à Berlin, le trio rencontre un couple germano-israélien, une symbiose entre des histoires nationales qui se sont longtemps opposées mais qui aujourd’hui tentent de se réconcilier et de construire l’Europe. Même si elle avoue que cette idée d’Europe lui échappe un peu par moments, elle reconnaît "[qu’]aujourd’hui, [elle est] européenne". Elle est venue sur le Vieux-Continent pour "échapper aux cafards et à l’armée", et pour elle, son nouveau passeport est un précieux laisser-passer dans une Europe "qu'on peut traverser avec une voiture seulement". Un symbole d’intégration pour celle dont le prénom signifie "vague" en hébreu. En lui donnant ce prénom, sa mère souhaitait qu’elle ne se fixe pas de limites, comme une vague dans un océan.

Face à la montée des nationalismes partout en Europe, le parcours d’Amra Plasto, bosnienne, fait figure d’exemple. Née a Sarajevo, capitale de l’ex-Yougoslavie où "les mosquées côtoient les églises et les synagogues", sa famille s’est trouvée au premier rang des affrontements inter-ethniques durant la guerre au début des années 1990. Son père musulman et sa mère catholique orthodoxe ont subi, raconte-t-elle, "des pressions pour faire exploser leur couple" ce qui a pu nuire notamment à leur carrière professionnelle. Sa famille a donc été le symbole d’une union entre deux communautés qui se déchirent. "Le Coran et la Bible ont toujours été côte à côte chez moi, sans que cela ne pose de problème" déclare-t-elle. Au cours du séjour à Sarajevo, l’émission s’est intéressée à Nasa Stranka, un parti politique d’intellectuels bosniens regroupant toutes les sensibilités religieuses dont le but est de promouvoir le dialogue et la paix entre les communautés de la région. Amra reconnaît avoir été élevée "au milieu de l’Orient et de l’Occident" et estime savoir en tirer des éléments positifs. Elle pose un regard lucide et même agacé sur la recrudescence des nationalismes européens à travers l’histoire de son pays. "On a tous souffert à cause de ces affrontements. Pour moi, personne n'a gagné cette guerre" déclare-t-elle. L’enfance d’Amra, vécue au cœur des querelles ethniques, témoigne d’un manque de vivre ensemble des communautés qui finalement n’ont pas pris le temps de s’écouter.

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